Le judéo-christianisme si banalement décrié donne le sens du monde actuel, celui de la mondialisation. Car tous les humains, quelle que soit leur culture d’origine, y sont appelés à devenir des individus — des individus véritables qui, réduits à leur unicité, « paient le prix », prennent des risques, renoncent à l’identité qu’ils pouvaient avoir dans le monde social. Tel est le propos de cet ouvrage.
La I° partie voudrait montrer que tel ou tel des penseurs majeurs de la philosophie contemporaine (Kierkegaard, Marx, Nietzsche, Heidegger, Lévinas, Rosenzweig, Lacan, Foucault) apporte à chaque fois une contribution définitive à ce propos, qui nous semble être au cœur de la philosophie aujourd’hui.
Certes ils participent tous à l’affirmation de l’existence telle qu’on en parle depuis Kierkegaard. Mais ils n’en assument, chacun, jusqu’au bout, qu’un des aspects : ou bien la finitude radicale (pulsion de mort) rencontrée dans la relation à l’Autre ; ou bien l’autonomie créatrice (pulsion de vie) rendue possible par ce qui vient de cet Autre. Ils sont dès lors entraînés, soit vers des conséquences sociales nulles (Kierkegaard) ou catastrophiques (Marx et Nietzsche, avec le Goulag et l’Holocauste). Soit à une complaisance (Heidegger) ou à une impuissance (Lévinas) ou à une inconscience (Rosenzweig) face aux errements politiques qui ont permis ces catastrophes. Soit à se contredire eux-mêmes, comme Lacan et Foucault : Lacan en refusant le discours philosophique qui, seul, pourrait justifier la présence sociale, qu’il sait menacée, du discours psychanalytique ; Foucault en laissant ses analyses ultimes dans l’équivoque pour ses lecteurs.
La II° partie présente une lecture originale et imprévue des commandements du Décalogue pour y faire apparaître cette exigence d’individualité véritable. À quoi s’opposent — vainement, car le sens de l’histoire triomphe toujours — les divers symptômes sociaux qui occupent dans le monde actuel le devant de la scène : athéisme, individualisme, pessimisme, féminisme, populisme, intégrisme, matérialisme, complotisme, égalitarisme.
Certes on peut trouver, et il y a toujours plus ou moins, dans ces symptômes sociaux, des aspects premiers tout à fait positifs, soulignés ici.
Mais, à leur pointe, ces symptômes manifestent l’horreur des humains devant le prix à payer pour devenir cet individu véritable qui n’accuse plus personne de son être à soi. Et leur entraînement vers des idéologies qui au contraire ressassent pareille accusation.