Les cinq époques de l’histoire1 (antique, médiévale, moderne, contemporaine, actuelle) sont présentées en stricte correspondance les unes avec les autres.
Sur le plan philosophique d’abord. Chacune est ouverte par une affirmation (de l’idée, du péché, du doute, de l’existence, de l’inconscient). Chacune fait gagner un savoir philosophique (ontologique, théologique, cosmologique, psychologique, logique). Chacune suppose l’appropriation d’un aspect de la vérité (l’objectivité, l’objectivité coupée en absolue et finie, la subjectivité, l’altérité, l’identité).
Sur le plan politique ensuite. Chacune se fixe dans une institution (Etat, Eglise, science, démocratie, capitalisme). Chacune offre des droits nouveaux (installation du droit, puis canonisation, rationalisation, nationalisation, internationalisation). Chacune néanmoins se heurte au refus foncier que les hommes opposent à tout progrès de la justice, ce qui conduit longtemps à la guerre, jusqu’à, avec la mondialisation, la fin de l’ère de la guerre.
Sur le plan historique enfin. Chacune est déterminée, dans ce qui peut être en elle progrès, mais aussi refus de ce progrès, par une idéologie (paganisme, gnosticisme, progressisme, nihilisme, universalisme). En chacune, la philosophie se comporte d’une certaine manière face à ce qui peut être progrès mais aussi refus de ce progrès (impuissance, efficace, complaisance, échec, responsabilité). En chacune, le monde alors constitué apparaît comme devant s’effondrer dans la terreur ou, finalement, être confirmé malgré la terreur toujours présente (celle du terrorisme).
L’histoire, ainsi ordonnée, aurait un sens malgré le non-sens, malgré le refus de la justice, irait jusqu’à sa fin dans le monde actuel2.
Pour tout cela, Carl Schmitt, qui dit en 1967 qu’il s’occupait depuis une vingtaine d’années de la « comparaison des époques de l’histoire » et que cette comparaison était « devenue pour lui une hantise », est une référence majeure.